jeudi 13 avril 2017

"Timgad" de Fabrice Benchaouche distingué au 12e FIFOG



"Timgad" de Fabrice Benchaouche distingué au 12e FIFOG
 Le long métrage "Timgad", du Franco-algérien Fabrice Benchaouche, une comédie sur le retour au pays d'origine et ses aléas a reçu le prix de la mention spéciale au 12e Festival international du film oriental de Genève (FIFOG), qui a pris fin dimanche, ont annoncé les organisateurs.
En compétition dans la catégorie "Long métrage" avec 35 autres films, dont, également, "Maintenant ils peuvent venir" (2016) de l'Algérien Salem Brahimi, "Timgad" a été récompensé pour "le jeu des acteurs et l'originalité du scénario", écrit le jury sur le site officiel du festival.
Servi par une pléiade de comédiens algériens et marocains aux personnages extravagants et grotesques dont, Sid Ahmed Agoumi, Fatouma Bouamari, Lamri Kaouane et Samir El Hakim, le long métrage, co-écrit par l'écrivain Aziz Chouaki et Fabrice Banchaouche, raconte en 90 minutes, le retour de Djamel, archéologue, sur la terre de ces ancêtres pour y effectuer des fouilles et sa rencontre avec la population locale préoccupée par le devenir de son équipe de football, baptisée "Juventus de Timgad", en plein déclin et à la recherche d'un entraineur pour l'aider à se qualifier à un tournoi international.
Le long métrage "Timgad" a été coproduit par l'Agence algérienne pour le rayonnement culturel (AARC), et les  maisons de productions "BL.Films" et "Alia films".
Par ailleurs, les longs métrages, "Bavo virtuose" (France-Belgique-Arménie) de Lévon Minasian et "Malaria" (Iran) de Parviz Shahbazi, se sont partagés le FIFOG d'or, plus haute distinction du festival, alors que "Wedding Dance" (Turquie) de Cigdem Sezgin a été primé du FIFOG d'argent.
Le FIFOG d'or de la critique a été attribué au film "Kabullywood" (Afghanistan-France) de Lounis Meunier, catégorie dans laquelle ont figuré "Chroniques de mon village", une fiction de Karim Traidia et le film d'animation "Tales  of Africa" (2015) de Djilali Beskri.
Le FIFOG d'or du court métrage, également convoité par le film "Echappée" (2015) coréalisé par l'Algérien Hamid Saidji et le Britannique Jonathan Mason, est revenu au film "Le fils" (Turquie) de Aytaç Uzun, alors que " Ennemis intérieurs" (France) de Selim Azzazi s'est adjugé le FIFOG d'argent.
Fondé en 2006, le Festival international du film oriental de Genève se veut une vitrine du cinéma de l'Orient à travers des projections, des débats et autres rencontres entre professionnels du 7e art.
APS

mardi 16 juin 2015

Lounis Aït Menguellet : «Je reviens sur scène pour mon public»

Lounis Aït Menguellet est plus déterminé et plus engagé que jamais après sa délicate intervention chirurgicale de l’hiver dernier. Dans l’entretien exclusif qu’il a accordé à El Watan, il aborde plusieurs sujets. Avec sa légendaire humilité.


Comment va Lounis ?
Relativement, ça va. J’ai quand même subi une opération assez lourde, mais grâce à mon passé de sportif, je me suis bien défendu comme on dit. Le corps s’est bien défendu lui aussi, j’ai donc récupéré plus vite que prévu. J’espère que c’est vrai. (rires)
Une pensée en direction de votre public qui s’est beaucoup soucié de votre état de santé…
Mais bien sûr ! Mon public est ma raison d’être en tant qu’artiste. Et donc je le remercie. Je remercie également tous les gens qui se sont inquiétés. Je ferai tout pour qu’on continue un bon bout de chemin ensemble. J’espère que j’y arriverai.
(Rires). Merci à tous. J’ai été très touché par tous les gens qui se sont inquiétés et qui n’ont pas cessé de demander de mes nouvelles. Cela m’a aussi aidé à tenir le coup, parce que c’était quand même assez dur. Je dois dire aussi que j’ai eu un soutien continu de mon entourage aussi bien familial que de mes proches. Djafar, mon fils, ne m’a pas quitté d’une semelle, ma femme aussi. Cela m’a aidé à me remettre sur pied rapidement.
Malgré la maladie, vous avez quand même fait un gala aux Zénith le mois de janvier...
Oui, en fait je traîne ma maladie depuis déjà 5 ou 6 ans. J’ai une fuite mitrale et le cardiologue m’avait demandé de procéder à une opération d’urgence. En parallèle, il y avait un gala en préparation. Bien sûr, il était dangereux d’attendre. J’en ai parlé à mon médecin. Je voulais le gala d’abord  et l’hospitalisation ensuite. Il m’avait même fait la remarque en me disant : «Je vous parle d’une question de vie ou de mort et vous me parlez de gala !»  Eh bien, je suis monté sur scène d’abord. Il s’agissait pour moi de conscience professionnelle.
Au risque de votre santé ?

Bien que ce fut très risqué, je n’ai pas  reculé. Il était tout à fait normal que je le fasse parce que pratiquement toutes les places étaient vendues. Je me suis dit que je ne devais pas décevoir les gens qui avaient acheté les billets. Le contrat moral est pour moi plus important que le risque. Tant que je peux en prendre, pourquoi hésiter ? Quand on aime ce qu’on fait, quand on fait les choses sincèrement, on pense aux priorités uniquement. Et pour moi, ma priorité c’est de faire mon boulot, de le faire bien et advienne que pourra.
A la sortie de l’hôpital, il y a eu encore deux autres galas...
Après mon hospitalisation et les trois semaines de rééducation, j’ai fait le gala du 2 mai parce qu’il était prévu et je l’ai maintenu.  Car, comme on dit, quand on fait une chute de cheval, il faut tout de suite remonter au risque d’avoir peur. J’étais encore en convalescence, mais le gala s’était très bien passé. C’était en Suisse, le voyage était un peu long, mais supportable. Après, il y eu un autre le 23 mai, c’était encore mieux.

Avez-vous prévu des galas en Algérie ?
Oui. En Algérie aussi je vais continuer sur mon élan. Une tournée nationale d’une dizaine de galas est prévue. Je serai à Tizi Ouzou les 23 et 24 juin, à El Tarf le 26 juin, au Hilton (Alger) le 28, à la salle Atlas (Alger) les 29 et 30, à Tipasa le 6 juillet, à Saïda le 8 juillet, et le 11 juillet à Boumerdès. C’est une tournée spéciale pour le mois du Ramadhan.
Lounis est-il physiquement prêt et apte à assurer ses galas ?
Tout à fait.  Moi, je suis prêt, après on verra. Je ne suis pas inquiet.
Il y a une dizaine de galas, mais Lounis sera absent de «Constantine, capitale de la culture arabe»...
Ah ! Je ne me sens pas concerné. Avec tout le respect que j’ai pour les Arabes, je ne me sens pas concerné. Je ne comprends pas pourquoi on nous colle une autre identité. Je n’ai pas besoin d’une identité de rechange.
Désolé ! S’il y a des Algériens qui l’acceptent, tant mieux pour eux !
Est-ce que, dans ce sens, on vous a sollicité par des invitations officielles pour y participer ?
Oui, j’ai été sollicité et j’ai refusé. J’ai refusé parce que si ça avait été «Constantine, capitale de la culture algérienne» j’aurais sûrement accepté.  Il y a apparemment des Algériens qui ont honte de l’être. L’indépendance qui a été acquise de haute lutte est actuellement bradée. On a notre propre identité, l’histoire est claire. On est ce qu’on est.
On est ni moins bons, ni meilleurs que les autres. Je ne vois pas pourquoi je vais renier mon identité ! Je ne vois pas pourquoi je vais me prétendre arabe, turc, ou grec. Je respecte toutes les nationalités, toutes les identités, mais j’ai la mienne ! L’Algérie est assez riche, assez diverse pour faire quelque chose d’explosif.
S’ils avaient intitulé la manifestation «Constantine, capitale de la culture algérienne», le Chaoui, le Mozabite et tous les autres auraient apporté leurs particularités.
Car chaque région d’Algérie est un florilège de choses vraiment formidables. On est capable d’assumer quand même notre diversité sans animosité aucune. Je suis citoyen du monde avant tout.  
La culture algérienne, justement, à travers vos chansons a traversé les frontières à tel point qu’une jeune chanteuse de Finlande, Stina, a repris Thelt eyyam, une de vos chansons.
Quel sentiment cela vous inspire-t-il ?
Je suis très content non seulement pour ce que j’ai fait, mais je suis heureux de constater que notre culture fait partie intégrante de la culture universelle. C’est ce qui me fait plaisir. Quand une chanteuse comme Stina qui n’a strictement rien à voir et qui n’a absolument aucune affinité avec notre culture et notre langue arrive non seulement à  apprécier, mais à reproduire des chansons, pour moi c’est une preuve qu’on est dans l’universel.
Quelle est l’appréciation de Lounis sur la chanson algérienne en général et kabyle en particulier ?

Moi, je suis optimiste. C’est bien qu’on continue de produire. On finira par en sortir forcément de bonnes choses, mais si on n’a rien, il n’y aura rien. C’est ce qui assure la pérennité de la chanson. Concernant la chanson à texte, dans le monde entier elle existe, mais elle ne fait pas la règle, elle fait exception à la règle. On a besoin de tous les genres.
A votre avis, est-ce qu’Internet, notamment le piratage, ne freine pas la création ? Est-ce qu’il y a un manque à gagner pour l’artiste ainsi que pour l’éditeur ? Est-ce que cela n’est pas décourageant ?
Oui ! Mais il n’y a pas d’évolution sans son lot de choses négatives, c’est certain. Mais si on posait la question à l’envers : que deviendrait-on actuellement sans Internet ? Cela fait partie du progrès humain, avec forcément des inconvénients. C’est sûr qu’il y a un manque à gagner. Maintenant, c’est à l’édition de se mettre à jour, de chercher les procédés. Il y a des maisons d’édition qui gèrent déjà leurs catalogues par Internet et tout le monde s’y retrouve. Ce n’est pas facile, mais c’est faisable.
Concernant les droits d’auteur, j’estime que l’Office national des droits d’auteur (ONDA) est en train de faire un excellent travail pour endiguer cette histoire de piratage qui est très délicate.
Ce qui ramène vers une autre question : le plagiat. Notamment l’affaire de Cheb Khaled et Cheb Rabah. Quels commentaire faites-vous ?
Oh, pas grand-chose. Je suis contre le plagiat.
Mais la question que je me pose est la suivante : est-ce que c’est la chanson objet du litige (Didi, Ndlr) qui a rendu Khaled célèbre, ou c’est Khaled qui a rendu la chanson célèbre ? On ne se pose pas assez cette question. Parce que si cette chanson a été chantée par un illustre inconnu, je pense que Cheb Rabah, que je ne connais pas, n’aurait pas intenté de procès parce que la chanson serait passée inaperçue.
En d’autres termes, s’il n’y avait pas Cheb Khaled et s’il n’avait pas chanté cette chanson, on n’aurait pas connu Cheb Rabah. Voyons  les choses à leur juste dimension : moi, je connais Cheb Khaled, c’est un chanteur qui a mérité sa célebrité aussi bien par sa voix, par ses choix de chansons. Je le respecte, mais bon, s’il y a eu plagiat je respecte aussi Cheb Rabah qui considère qu’il a été plagié.
Est-ce qu’il y a de nouveaux produits en chantier ?
Je n’ai pas de nouveaux produits. Le dernier album est sorti il y a moins d’une année. La composition et la création sont des choses que je ne contrôle pas.
Comment percevez-vous la situation politique, sociale et économique du pays ?
Franchement, je n’aime pas parler de choses que je ne maîtrise pas. J’encaisse les coups comme tout citoyen, je m’informe. On a d’excellents journaux comme El Watan pour nous informer. Je ne peux pas me considérer comme quelqu’un de très rompu à la politique.
La relation avec Djafar, ce n’est pas une relation père-fils, c’est plus que ça. C’est quoi au juste ?
C’est assez complexe. D’abord, il y a la relation père-fils, il y a une complicité. Ceci dit, ce n’est pas parce que Djafar est connu, mais tous ses frères et sœurs sont dans la même situation. C’est-à-dire que j’ai la chance d’avoir une relation priviligiée avec mes enfants. Mais la relation qui se voit, qui est connue, c’est celle que j’ai avec Djafar parce qu’il travaille avec moi.
Il travaille aussi sur sa carrière de son côté et, franchement, il m’est indispensable. Par exemple, j’ai enregistré le dernier album à la maison, je ne suis même pas rentré en studio, c’est lui qui s’est occupé des arrangements.
Il intervient non seulement sur le plan de la musique, mais aussi sur la gestion de votre  carrière ?
Absolument. Avoir son fils comme manager, c’est l’idéal, surtout quand on a les compétences pour ça.
Il gère totalement la carrière sur le plan médiatique, musical, instrumentation, etc. C’est lui qui gère les dates des tournées, les contacts. Son apport est déterminant.
EL WATAN

dimanche 26 avril 2015

Constantine, capitale de la culture arabe 2015 : Constantine, mémoire forteresse

Constantine au petit matin. La lumière naissante du soleil de mars adoucit les paysages. Elle confère une poésie tendre aux montagnes qui encadrent le Rhummel dans sa descente vers la capitale de l’Est algérien, lorsque les terres cultivées et les bois s’y rejoignent. Ils font ressurgir des souvenirs oubliés, tableaux vivants de la campagne punique, numide, romaine ou beylicale...
Gigantesque citadelle polygonale perchée sur un plateau rocheux, en forme de trapèze, Constantine est tout de contrastes en ses rues. Dès les premières heures de la matinée, la vie se répand lentement dans la ville. Un automobiliste, sans doute fatigué par une veillée trop longue, semble manquer de réflexe. Les autres le regardent d’un air amusé ou complice. Il est sept heures trente minutes : l’heure, il est vrai, n’est pas encore à l’irascibilité.
Peu à peu les rues s’animent, la fièvre monte. Les coups de klaxon redoublent. Près d’un feu rouge, deux motocyclistes s’insinuent adroitement entre les véhicules immobiles. Bientôt neuf heures : les terrasses des cafés s’emplissent des premières grappes humaines, les boutiques sont presque toutes ouvertes. Déjà, d’un trottoir à l’autre, fusent d’exubérantes et amicales interpellations.
Comment faire ? Flâner avec indolence dans le vieux centre de la ville ou s’essayer du coté du quartier patricien de Bellevue ? Tenter une incursion au Chalet-des-Pins ou se laisser charrier par l’impétueux flot humain de «Triq-j’dida» (nouvelle route) ? Dilemme...
Le choix est tout de même fixé : plutôt commencer en traversant le Rhummel par le pont de Sidi-M’cid, toujours plus haut, vers l’azur, loin des contingences humaines. A l’instar des Pyramides et autre détroit de Corinthe qui sont comme des défis que se lancent les hommes à eux-mêmes, cet imposant ouvrage d’art est plus qu’un symbole. C’est le blason patenté de Constantine.
Dans le bleu de la nuit intense, quand l’or des nouvelles illuminations habille de l’intérieur sa structure géante, aérienne, nul ne peut résister à l’effet féerique de cette dentelle de métal et de lumière. Tant d’éclat, de légèreté et de majesté fascinent jusqu’au piéton de Constantine le plus blasé. Pour le visiteur se hissant jusqu’à ce point d’observation incomparable, la vue est exceptionnellement saisissante sur une bonne partie de la ville, laquelle apparaît comme un immense plan en relief, sur le plateau de Mansourah. A ses pieds, le Rhummel s’étire, millénaire, en dédales tortueux et gorges façonnées par l’écume du temps. Et par la non moins fréquente intervention de l’homme.

L’un des plus vieux tissus urbains d’Algérie
Sur l’autre versant de la ville, l’hôtel Panoramic surplombe la vallée. En contrebas, des enfants, bruyamment, disputent un match de football qui n’en finit pas. D’autres, dans un mince bras d’eau, poussent un radeau fait de petits madriers. Sur le côté gauche, accompagné d’un grand vacarme, un attroupement s’opère : un berger bloque la rue avec son troupeau de moutons.
Vers dix-sept heures, la ville s’anime davantage. Grondements sourds : la circulation bat son plein. C’est la sortie des bureaux. De longues processions de femmes et d’hommes, de retour du travail, se pressent vers les stations de bus, de tramway, ou accomplissent leurs dernières courses de la journée. Il aura fallu un bref moment avant que le regard soit rassuré d’avoir trouvé des repères familiers : la place de la Brèche, l’Hôtel De Ville, la Grande-Poste, l’hôtel Cirta...
C’est paradoxalement au crépuscule que Constantine révèle ses habitants. Des mouvements notables se dessinent dans la foule, toujours aussi compacte. A croire que les gens vivent dehors. Et comme par un heureux hasard, le Théâtre Régional affiche le spectacle de la soirée. Evénementiel. Sur les placettes de la vieille ville, les jeunes cherchent une place aux terrasses de café. Il nous faudra passer dans l’arrière-salle... La discussion s’engage. Thèmes favoris : d'abord le mémorable score réalisé par l’équipe de foot fanion aux dépens de sa malheureuse rivale du week-end dernier. ensuite l'événement phare de l'année, intitulé «Constantine 2015, capitale de la culture arabe». Et, depuis peu, le tramway, la nouvelle salle de spectacles ainsi que le fameux pont transrhummel dont la réception a été effectuée il y a déjà quelques mois. Une entreprise colossale qui, à l’image du viaduc du Ravin sauvage d’Alger, a commencé à transformer radicalement la périphérie de la ville.
Pour bien connaitre ce phénomène de «transformation», au demeurant lié à toutes les mégalopoles du monde, il faut connaître l’histoire intime de la ville, voire pénétrer jusque derrière les images stéréotypées qu’on a bien voulu donner d’elle, pour retrouver le contact avec ses énergies primordiales, son espace premier. A cet égard, peu de villes, sur le sol algérien, ont eu une situation aussi privilégiée, un destin aussi prestigieux. C’est que, avec l’un des plus vieux tissus urbains d’Algérie, il y a toujours eu de la «culture» à Constantine. Mais une culture qui, naguère, a été seulement un peu enfouie : d’abord sous le pavé sonore des différentes occupations étrangères, ensuite sous le bitume silencieux et amnésiant des années difficiles, un peu perdue dans la fumée des tuyaux d’échappement de l’après-guerre d’indépendance.
Et cette culture se promenait : avec Malek Haddad ou Rachid Boudjedra, sous la pluie, en «kachabiya», sous un soleil de plomb. Ou vivait en ermite, dans un deux pièces-cuisine. Elle murmurait un poème de Kateb Yacine, chantonnait un air du terroir, dans l’ex-Cafétéria estudiantine de l’ex-rue Rouhault-de-Fleury, ou dans ce bar-salon de la place de «La Pyramide». Quelquefois ce n’était qu’un frêle sourire sur les lèvres, une lueur dans les yeux de centaines de «Nedjma» au printemps. Elle fuyait à la fois la culture provinciale insipide ­— importée d’Egypte — et l’horrible ersatz «tartanisé» du stade Benabdelmalek, qu’à présent l’on fait passer pour authentiquement «malouf» et joyeusement «populaire». Car, tout en cherchant à savoir où l’on peut aller, il est bon se savoir aussi d’où l'on vient. Les origines, pour ainsi dire.

Cité élue ou destin capital ?
Or, pour ce qui est des origines de Constantine, il faut remonter loin, très loin dans le temps. Remonter jusqu’à l’aube de l’humanité. A l’époque préhistorique durant lesquels le vieux rocher abrita les hommes-singes du début de l’ère quaternaire, les hommes du Néanderthal et connut la civilisation mégalithique. D’ailleurs, de nombreux sites datant de cette époque ont été découverts dans la ville actuelle et dans ses environs. Le plus ancien, mis au jour sur le Plateau de Mansourah, en 1955, montre que cette région était habitée au début de l’ère quaternaire, comme en font foi les ossements d’hippopotames et les galets taillés qui y ont été trouvés. Les autres sites préhistoriques de la région sont la station en plein air de Djebel Ouahch, la Grotte des Ours et la Grotte aux Mouflons, toutes deux creusées dans la falaise qui supporte la colline de Sidi M’Cid, la Grotte aux Pigeons et de nombreux dolmens, mobilier témoin de la civilisation mégalithique.
Voila pour ce qui est des origines. Maintenant, si nous savons que c’est à l’époque punique que Constantine prit le nom de Cirta, nous ne pouvons ignorer qu’elle joua un rôle tout aussi important à l’époque des royaumes numides. Elle fut, en effet, capitale de Syphax, «aguellid» (roi) des Massaesyles, puis celle de Massinissa, «aguellid» du royaume massyle  –qui réussit à s’en emparer — avant de devenir la cité de son fils Micipsa et de son neveu Yugurtha
Autant de jalons qui, ajoutés aux vestiges légués par l’histoire antique, médiévale et turque de la ville, auront, en définitive, contribué à la configuration architecturale de l’actuelle Constantine. Constantine qui, pourtant n’a de cesse, une fois la souveraineté nationale recouvrée, de s’accommoder de nouvelles et grandioses édifications, telles l’université aux contours futuristes, la somptueuse mosquée Emir Abdelkader, le nouveau pont transrummel, la salle de spectacles «Le Zénith» et (bientôt) l'imposant hôtel Marriott.
Quand on y étudiait, vers les années 1960, ce furent ces traces là, emblématiques, que l’on cherchait. Le soir en s’éloignant de ce qui n’était alors qu’un embryon de cité universitaire au centre-ville, et avant d’errer dans les rues, on aimait se tenir sur les hauteurs du Plateau du Coudiat et contempler la ville étalée à ses pieds. Et le jour, on interrompait souvent nos cours pour aller faire une petite visite au musée des Antiquités ou pour s’engouffrer dans quelque restaurant renommé pour leur gastronomie. En emmagasinant, au passage, les impressions de la vie immédiate : la lumière crue du matin sur le quartier ex-Saint-Jean, le ciel bleu acier sur le pont de Sidi-Rached.
Et, sublimes souvenirs de jeunesse, le brouhaha convivial de «Rahbet-Ej’jmel» (l’emplacement des chameaux), le grouillement levantin de la cité médiévale (Souika) où, tout adolescent déjà, on aimait déambuler, humant avec gourmandise des senteurs ennivrantes, les yeux caressant des formes en courbes, des coupoles et des voûtes qui surplombaient les venelles et les échoppes, tel le toit du monde. Longtemps nous fûmes réveillés par une clameur à nulle autre pareille où se mêlaient les cris des marchands ambulants, le tintement des objets en cuivre, la voix du muezzin appelant à la prière... Des images et des odeurs qui ne nous ont jamais quittés. Bref, on lisait tout ce que l’on pouvait trouver sur l’histoire de la ville, dans les bibliothèques ou sur les étals des bouquinistes...
A Constantine, il fallait s’imprégner des entrailles de la ville pour mieux connaître son histoire, pour effectivement réaliser à quel point le temps est l’étoffe des grandes entreprises telles que cette ville aux mille et un contours, mille et une dimensions. Et, tant qu’à faire, pour se convaincre enfin que la maîtrise notoire de l’art culinaire n’y est pas le seul apanage, ni le fruit du hasard.
EL MOUDJAHID

lundi 9 mars 2015

"FADHMA N’SOUMER" REMPORTE L’ETALON D’ARGENT

Le réalisateur algérien Belkacem Hadjadj a reçu mardi soir à Ouagadougou (Burkina Faso) l’Etalon d’Argent de la Yennenga du 24ème Festival panafricain du cinéma de Ouagadougou (Fespaco) pour "Fadhma N’soumer", une œuvre qui a été distinguée par quatre fois à ce festival.
En plus de l’Etalon d’Argent, deuxième distinction du festival après l’Etalon d’Or, "Fadhma N’soumer", consacrée à la figure de l’héroïne populaire de la résistance en Kabylie durant les premières décennies de la colonisation française a également reçu le Prix du meilleur scénario, celui du meilleur montage ainsi que le Prix du meilleur son portant à quatre le nombre total des prix de cette fiction.
Lors de la cérémonie de remise des prix de ce Faspaco l’Etalon d’Or de la Yennenga est revenu au réalisateur marocain Hicham Ayouch pour son film "Fièvres" alors que l’Etalon de Bronze a été attribué au cinéaste burkinabé Sékou Traoré pour "L’£il du cyclone".
Dans la catégorie du court métrage les Poulain d’Or, d’Argent et de Bronze sont revenus respectivement à "De l’eau et du sang" de Abdelilah Eljaouhary (Maroc), à "Madame Esther" de Luck Razanajoana (Madagascar) et à "Zakaria" de Leyla Bouzid (Tunisie).
Dans la section documentaire où concourait Nessima Guessoum avec son film "10949 femmes" le jury a distingué dans l’ordre "Miners Shot Down" de Rehad Desai (Afrique du Sud), "Devoir de mémoire" de Mahmadou Cissé (Mali),et "Tango Negro, les origines africaines du tango" de Dom Pedro (Angola).
L’Algérie a participé à la compétition du festival avec les films "Fadhma N’soumer" de Belkacem Hadjadj, "J’ai 50 ans" de Djamel Azizi (section long-métrage), "Derniers recours" de Mahi Bena (section court-métrage), et "10949 femmes" de Nassima Guessoum (section documentaire).
Inauguré le 28 février dernier, le 24e Fespaco qui s’est déroulé dans un contexte politique particulier, quatre mois après le soulèvement populaire au Burkina Faso qui a conduit à la chute du régime de Blaise Compaoré, a pris fin mardi soir.
APS

mardi 3 mars 2015

Nouveau spectacle de Mohamed Fellag : Bled Runner, best of d’une carrière

 
 Compilation d’un humour «made 
 in bled» et alors ?
Ce monologue sera constitué de textes puisés dans la matière de tous les spectacles que j’ai écrits pour la scène depuis maintenant vingt ans, Djurdjurassique bled, Un bateau pour l’Australie, Le Dernier Chameau, Tous les Algériens sont des mécaniciens, Petits chocs des civilisations», écrit Fellag. Selon lui, «Bled Runner sera donc une sorte de best of, mais pas comme on l’entend habituellement.

L’idée ne sera pas de présenter de manière linéaire les meilleurs morceaux de chaque spectacle, mais d’organiser un voyage labyrinthique à travers toutes ces œuvres pour en cueillir les sujets les plus signifiants, les plus marquants, pour ensuite les mêler, les réinventer avec le regard d’aujourd’hui afin de créer un spectacle nouveau». Plus explicite, le comédien, établi en France depuis 1995 ajoute :  «Cet enchevêtrement s’articulera autour des thèmes qui nourrissent ou pourrissent l’imaginaire ‘‘intranquille’’ de nos deux sociétés française et algérienne.
Le but est évidemment de continuer à en parler de façon décomplexée pour laver le mauvais sang qui en irrigue les veines. Car il est urgent d’exorciser ces sujets qui minent les rapports entre nos deux mondes. Ces rapports sont si tendus, si délicats que seul l’humour peut les caresser sans se brûler les doigts.
Cette nécessité de retrouvailles heureuses de ‘‘deux’’ publics qui dialoguent à travers des histoires poussées aux extrêmes de leur absurdité s’est imposée à moi au fur et à mesure de ma confrontation jubilatoire avec ce même public uni pour rire de tout ce qui fait mal à notre mémoire et à notre présent communs. Ces rapports complexes qui ont existé, existent et continueront d’exister, en se cachant derrière des masques nouveaux, formeront la ligne rouge de Bled Runner.» Comédien de talent, Mohamed Fellag est l’auteur de plusieurs one-man-show.
Djurdjurassique Bled, son premier spectacle en français, lui a valu le prix de la Révélation théâtrale de l’année attribué en 1998 par le Syndicat professionnel de la critique dramatique et syndicale. Il a, à son tableau de chasse, trois autres distinctions : le prix de l’Humour noir pour le spectacle Un bateau pour l’Australie, le prix Raymond Devos pour la langue française, et le prix de la Francophonie en 2003.
EL WATAN