Nouvelle production au TRO
Une pièce tragique… avec une fin vaudevillesque

El koursi wa el hakem est un nouveau cru du Théâtre régional d’Oran. Cette pièce, de par le contexte actuel, attire l’attention : elle dépeint, avec force détails, l’intérieur d’un commissariat.
Un cadre, qui plus est dans un pays où on devine assez aisément que la liberté, celle de s’exprimer, n’a pas droit de cité. Pour commencer, scène ordinaire de la vie normale d’un commissariat, on voit une femme de ménage faire le parterre, un policier papoter avec elle, un détenu, dans une cellule, en train de faire les yeux doux à une autre prisonnière se trouvant dans une cellule en face… et, tout d’un coup, sans que rien l’annonce, tout se chamboule, et, comme agressivement, le spectateur est mis mal à l’aise : une musique sombre s’installe furtivement, on entend ici et là les plaintes de prisonnières, un bruit de bottes qui se fait de plus en plus assourdissant et, sans crier gare, deux jeunes femmes, dont on ne sait rien, font leur apparition et sont violemment «parquées» dans une cellule.
Elles sont accompagnées de deux officiers, autoritaires et craints de tous. Le tort de ces femmes ? Avoir refusé de participer au «maquillage» du taudis où elles vivent, et cela à l’annonce de la visite prochaine du chef du gouvernement ! Bref, le metteur en scène a réussi à dépeindre, à la perfection, le milieu carcéral, celui des «petits chefs», aux ordres des hommes de l’ombre, et celui aussi où on voit défiler tous les «rebuts» que recèle un état autoritaire : du pauvre paumé, accro à la drogue, à l’intellectuel qu’on devine prisonnier politique, et cela en passant par le «zélé» qui ose titiller l’ordre établi. Le clou de la pièce est, bien sûr, lorsqu’on apprend qu’un des nouveaux détenus n’est en fait personne d’autre que l’actuel chef du gouvernement, rien que cela ! … et dont l’entourage, histoire de lui éviter de graves incidents, lui a falsifié l’identité, le rendant alors simple citoyen. Voilà ce qu’il en est pour le «contenu» de l’histoire.
Malheureusement, si au départ l’intrigue était «accrocheuse», il faut bien dire ce qu’il en est : à mesure que la pièce avançait, on était de plus en plus déçu. Tout d’abord, il faut dire que cette pièce, qui a mis haut la barre par le thème qu’elle a choisi, dure, en tout et pour tout, une cinquantaine de minutes. Et si au départ, l’intrigue était à ce point «captivante», la fin, elle, avait tout l’air d’avoir été bâclée. Ne voit-on pas, pour finir, tel un Vaudeville, un «happy-end» qui arrive à contre-courant du ton que s’est donné l’intrigue !
50 mn pour convaincre
Le chef du gouvernement, avouant s’être fait «berner» par ses proches, procède illico presto à la libération de tous, et, au final, tout le monde s’embrasse et tout le monde est content. Personne n’est pointé du doigt, personne ne daigne présenter ses excuses. Une réconciliation de pacotille en somme. On se demande alors pourquoi le metteur en scène, qui a commencé si sublimement cette pièce, l’a-t-il achevée «à la va-vite» ? Il faut savoir toutefois que cette histoire est adaptée d’une pièce égyptienne. S’agit-il alors d’une adaptation qui s’est voulue au plus haut point «fidèle» à la pièce originale, pour qu’on ait droit à une fin aussi «vaudevillesque» ? Cela peut être plausible, et cela d’autant que c’est une pièce écrite sous l’ère Moubarak ; on imagine alors sans peine l’autocensure à laquelle l’auteur original a dû se soumettre…Enfin, notons que la scénographie a été impeccable dans cette pièce dont la fin, hélas… nous a laissés sur notre faim !
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