vendredi 9 décembre 2011


Colloque sur Frantz Fanon à la Bibliothèque nationale d’El Hamma :

 L’apport indéniable de l’œuvre et de l’action militante

La conférence internationale, qui a réuni à cet effet bon nombre de chercheurs,
 universitaires, historiens et sociologues algériens et étrangers ainsi que la famille 
du défunt, aura permis de sillonner toute l’œuvre de Frantz Fanon, notamment
 l’apport de la pensée vivante et toujours d’actualité et les dimensions théoriques 
de ses écrits et d’écouter les hommages et témoignages de ceux qui l’avaient connu.


A l’occasion du cinquantenaire de la mort du célèbre théoricien, dont la pensée novatrice avait révolutionné en son temps la psychiatrie et la sociologie en accord avec un juste mouvement de lutte de libération mettant en cause le mécanisme racial et oppresseur du système colonial, l’Algérie rend un grand hommage à l’homme disparu prématurément dans le feu de l’action à travers un colloque de deux jours, organisé sous le patronage de la ministre de la  Culture, Mme Khalida Toumi, avec le concours du Centre national de recherches préhistoriques, anthropologiques et historique que dirige M. Slimane Hachi.
La conférence internationale, qui a réuni à cet effet bon nombre de chercheurs, universitaires, historiens  et sociologues algériens et étrangers ainsi que la famille du défunt, aura permis de sillonner toute l’œuvre  de Frantz Fanon, notamment l’apport  de la pensée vivante et toujours d’actualité et les dimensions théoriques de ses écrits et d’écouter les hommages et témoignages de ceux qui l’avaient connu.
Dans le hall de l’édifice se tenait une importante exposition, sorte de fresque sur les étapes de la vie et l’œuvre monumentale de Fanon ainsi que des ouvrages de la Bibliothèque nationale et panneaux des Archives nationales qui attiraient la foule des visiteurs.
On pouvait ainsi y lire que l’une des plus grandes figures internationales du courant dit tiers-mondiste était née le 20 juillet 1925 à Fort-de-France, en Martinique, dans une famille de huit enfants, dont il était le cinquième, et que jeune adolescent, il fut très influencé par le poète et militant Aimé Césaire, qu’il a suivi, parallèlement à ses études de médecine, des cours de philosophie et de psychologie en France.
Celui qui affirmait très tôt dans une lettre à un ami : «Nous ne sommes rien sur terre si nous ne sommes d’abord les esclaves d’une cause, de la cause des peuples, la cause de la justice et de la liberté», découvre «la discrimination ethnique» lorsqu’il s’engage en 1943 durant la Seconde guerre mondiale dans les  Forces françaises libres qui combattent le nazisme.
        Son premier ouvrage Peau noire, masques blancs, publié en 1952, qui est sa première dénonciation du racisme et du colonialisme culturel, est loin d’obtenir le satisfecit des milieux intellectuels français. Mais Fanon  veut aller plus loin, confronter ses théories sur le terrain, en se rendant en Algérie.
 C’est là qu’il met en pratique ses idées et fait ressortir de nouvelles méthodes psychiatriques en créant le concept de «  sociothérapie» qui vise à soigner les maladies mentales par le travail, les activités culturelles et l’expression. Ce point de vue scientifique prendra rapidement l’allure d’un radicalisme politique en 1954, moment du déclenchement de la guerre de Libération nationale où Fanon entre en contact avec ses dirigeants du FLN, en l’occurrence Abane Ramdane avec lequel il se lie d’amitié.
On sait pour la suite ce qui va advenir dans la vie de ce grand penseur qui meurt des suites d’une foudroyante leucémie le 6 décembre 1961 à trente-six ans, à quelques mois de l’indépendance de l’Algérie. Un commando de moudjahidine portera sa dépouille à travers la ligne Morrice pour l’inhumer à Aïn Kerma, dans la wilaya d’El Tarf, où elle repose aujourd’hui au carré des Martyrs.
La tenue de ce colloque revêt une importance primordiale, puisque Frantz Fanon aura contribué, bien au-delà des circonstances historiques, au retentissement de la Révolution algérienne et à sa large répercussion dans les pays d’Afrique du Sud.
Ces journées d’étude sur la vie et de l’œuvre de ce grand théoricien auront permis de voir comment Fanon a critiqué vivement l’esprit colonisateur en montrant les conditions désastreuses dans lesquelles le colonisé algérien vivait et l’aliénation, voire la dépersonnalisation de son identité sociale et culturelle.
 Dans sa communication, Mathieu Renault, qui a évoqué le rapport de l’auteur avec la décolonisation du savoir, a montré comment ont toujours prévalu deux types d’interprétation dans la question de l’universalité de l’œuvre. Celle qui prônait les idées comme issues de la pensée des Lumières en France et qui s’opposaient à la revendication de la singularité. Fanon était «un universel concret, riche de tous les particularismes de l’universel», dira cet intervenant, un intellectuel qui a prouvé qu’un universalisme en paix pouvait coexister avec le développement des cultures en toute liberté.
     L’universitaire Mustapha Haddab est intervenu, quant à lui, pour parler d’une impression qui frappe à la lecture des œuvres de Fanon qui est «cette espèce d’investissement de soi, de présence forte et énergique de sa personnalité et de sa transparence complète». Fanon livrait toute sa pensée avec une forme de subjectivisme épistémologique. «Dans son expérience psychiatrique, il a insisté sur le fait qu’il y avait un travail psychiatrique sur les formes les plus avancées des pathologies et mis en lumière que la psychiatrie n’est pas suffisante pour apporter la guérison, puisque la maladie est soumise à la domination sociale de l’occupant», dira-t-il. Pour Fanon, il y avait donc une nécessité de se réengager dans un nouveau processus d’analyse, ses textes renferment une sorte de fécondité au caractère explosif.
Lynda Graba

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