samedi 19 mai 2012

Le pavillon Azzi redonne au diwan du Palais du Bey sa somptuosité d’antan


CONSTANTINE - De tous les pavillons de l’exposition qu’abrite le palais Ahmed bey de Constantine à l’occasion du mois du patrimoine, celui de la maison Azzi est sans doute celui qui évoque le mieux la somptuosité d’antan de cette bâtisse qui a abrité le siège du dernier gouverneur du beylicat de l’Est algérien.
Installée dans le pavillon "diwan" du palais, le stand Azzi, un artisan spécialisé dans la passementerie d’art qui agrémente la célèbre gandoura constantinoise, se veut un hommage à tous les artisanats d’art du pays et même à ceux originaires de pays arabes ou musulmans.
La broderie d’art, ou passementerie y occupe certes une place de choix, avec toute une panoplie de modèles de gandouras constantinoises, caracos algérois, caftans tlémcéniens, mais le pavillon présente également de véritables pièces de musée dans le domaine du bijou berbère, du meuble traditionnel, du tapis, de pièces de dinanderies et autres.
D’anciens tapis de Babar (Khenchela) ou persans, patinés par le temps et qui ont aujourd’hui valeur de pièces archéologiques, recouvrent le sol du diwan pour l’occasion et le visiteur de marque est invité à s’asseoir sur des fauteuils, poufs et autres sièges traditionnels, pièces de collection de la maison, ressortis pour les besoins de l’exposition.
Au-delà de tous ces objets qui véhiculent une tradition et une histoire, c’est la discussion avec Fouad Azzi, fils du père fondateur de la maison éponyme, qui constitue la plus grande découverte pour le visiteur qui a la chance de le rencontrer sur les lieux.
Avec Fouad Azzi l’artisanat devient un domaine de vision artistique, de sociologie, de diplomatie et bien d’autres aspects qui commencent à être perçus et valorisés par les artisans de la nouvelle génération, comme lui.
Fouad commence par raconter, non sans une pointe de fierté, ses péripéties à travers le monde qu’il sillonne pour présenter son produit et défendre l’artisanat algérien comme il l’a fait en 2010 lors de l’exposition universelle de Shanghai et comme il compte le faire lors de l’édition 2012 de cette même manifestation prévue cette année à Séoul, mais finit par aboutir à ce qui tient le plus à cœur : comment valoriser le costume traditionnel algérien et le sauver de la disparition qui le guette dans quelques décennies si rien n’est fait pour l’adapter et le mettre au goût du jour.
"Les Marocains ont osé pour leur caftan et ils ont réussi, nous, nous avons la chance d’avoir une diversité éblouissante en matière de costumes traditionnels qui peut devenir une mine d’or en matière d’inspiration des couturiers, mais malheureusement, cette mine demeure pour le moment très peu exploitée ou carrément ignorée" regrette-t-il.
"Si l’artisanat au Maroc continue d’exister et d’évoluer c’est parce que là- bas, les corporations de métiers n’ont pas été déstructurées et chaque filière continue d’être chapeautée par des maîtres en la matière", poursuit cet artisan.
Il a signalé que beaucoup de créations de grands couturiers français à l’instar de Christian Delacroix, Yves Saint-Laurent et d’autres sont inspirées de costumes traditionnels algériens, mais sans aucune référence à la source d’inspiration.
Fouad Azzi a des idées plein la tête sur la façon de rendre justice à ce patrimoine mais il faut, dit-il, que les pouvoirs publics qui disposent des moyens de l’Etat pour les promouvoir soient partie prenante, ce qui, à son avis, n’est pas toujours le cas aujourd’hui.
Parmi les idées "faisables dès aujourd’hui et maintenant", il propose à ce que le costume traditionnel soit promu sur deux niveaux qui s’y prêtent à merveille : le costume de service pour les hôtesses d’accueils dans les aéroports, hôtels et autres lieux de tourisme, et le costume officiel qui pourraient être porté dans des occasions nationales, et autres, par les membres du gouvernement, les diplomates, les walis et autres représentants officiels de l’Etat.
Dans cet ordre d’idées, Fouad Azzi rend hommage à l’expérience menée dernièrement par une architecte de Constantine, Salima Mazri Badjadja, qui a modernisé le "seroual" en inventant un habit plus adapté à la vie d’aujourd’hui qu’elle a nommé le "pantaseroual".
De telles expériences doivent être encouragées et approfondies, estime cet artisan qui tient à signaler que lui aussi a un projet dans ce sens avec la chambre de l’Artisanat et des métiers de Sétif, dont il garde le secret mais qui, espère-t-il, va constituer un premier pas vers un processus pérenne et durable pour la valorisation et la modernisation du costume traditionnel algérien.
APS

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