vendredi 30 novembre 2012

“Barbès café” À Ibn Zeydoun : Un voyage fabuleux dans les chants de l’exil



Merveilleux spectacle qui rend hommage aux émigrés algériens, mais aussi aux grandes voix qui ont contribué, par leur musique, à chanter l’indépendance, l’émigration et à s’insurger contre le colonialisme ou le racisme.
Déchirés et meurtris par le déracinement, les émigrés algériens de France se retrouvaient dans les bistrots. Après la besogne journalière à l’usine, ces déracinés clamaient l’indépendance et le départ du colon toute la nuit dans ces cafés sous des airs chaâbi, de vieux raï ou de chanson kabyle. Devenu des symboles de la variété algérienne, Dahmane El-Harrachi, Slimane Azem, cheikh El Hasnaoui, H’nifa et tant d’autres égayaient les lieux en faisant pénétrer une lueur d’espoir dans le cœur de ces exilés. Pour leur rendre hommage, Ameziane Azaïche (manager culturel parisien), a écrit le spectacle “Barbès Café” avec Naïma Yahi, sous la mise en scène de Géraldine Bénichou et la complicité de Mohamed Ali-Allalou et Aziz Smati (ancien de la Radio algérienne) dans la création vidéo. Produit par Sauvage Production, une tournée en Algérie, en collaboration avec l’Agence algérienne pour le rayonnement culturel (Aarc), a eu lieu dans trois villes algériennes. Après Tizi Ouzou et Oran, le spectacle a fait escale à Ibn Zeydoun (Riadh El- Feth), pour deux soirées consécutives (mardi et mercredi). Entre théâtre, chant et danse, le public est propulsé dans le music-hall. Dans un décor oriental, se dressait un petit bar tenu par Lucette (Annie Papin). Elle raconte avec nostalgie à son vieux client, Salah (Salah Gaoua), la douleur et le parcours de ces émigrés qui oubliaient leur détresse le temps d’une chanson. Dans un jeu théâtral époustouflant, les deux acolytes ont dressé un tableau sur toute la période coloniale en passant par l’une des plus marquantes et sanglantes dates qu’a connu les algériens de France : le 17 octobre 1961. Afin de ranimer les mémoires et rendre hommage à ces centaines d’algériens assassinés sauvagement, un poème de Kateb Yacine a été déclamé par la chanteuse Samira Brahmia. Accompagnés de huit artistes sur scène entre musiciens et chanteurs, les plus grands titres de la musique algérienne de France et d’Algérie ont été interprétés par Samira Brahmia, l’excellent Hafid Djemaï (au mandole aussi) et Salah Gaoua. Réarrangés, les morceaux chantés sur scène sont restés incontournable, notamment “Marhaba” de Cheikh El Hasnaoui, “Ana Touiri” de Fadila Dziria –qui a été réarrangée dans les couleurs du jazz, “Li rah ou wela wech men bena khela” de Dahmane El Harrachi. Dans le but de donner plus de vie à ce spectacle, le montage vidéo a ranimé de vieux souvenirs grâce aux archives sur les musiciens. Le spectacle rend également hommage à Francis Jeanson du le réseau des porteurs de valises. En outre, ces bistrots ont abrité entre leurs murs de grands chanteurs qui étaient accompagnés par des danseuses. À cet  effet, Sarah Guemguem, a exécuté des chorégraphies mêlant la danse orientale et la pop sous une projection représentant les plus grandes figures algériennes en France de ces dernières années. Tout au long du spectacle, les musiciens ont repris de nombreuses compositions de l’emblème de la chanson kabyle, Slimane Azem. On peut citer : “ Ay Ajrad” (les sauterelles), “Algérie mon beau pays” et “A Moh a Moh”. Le temps d’une chanson “El Hamdoulilah” d’El Anka, le public était en euphorie, les youyous fusaient dans toute la salle. “Barbès café” : un voyage musical dans les chants de l’exil fut un moment de pur bonheur qui rend hommage à ces artistes. Mais, surtout aux exilés algériens.
Hana Menasria
Liberté 

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