mardi 14 juin 2011

Rencontres cinématographiques de Béjaïa

De la résistance en cinéma


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Fodhil Belloul
La deuxième journée des Rencontres cinématographiques de Béjaïa a été marquée par la diffusion du documentaire Cinéma Algérien, un nouveau souffle de Mounia Meddour. Tourné en 2010 à Alger et en grande partie à Béjaïa lors des précédentes Rencontres cinématographiques. Ce documentaire - plus proche du reportage télévisé il est vrai- a le mérite de nous offrir un large panorama des forces vives et actuelles du cinéma algérien.Pour point de départ, une évocation du père de la réalisatrice, le cinéaste Azzedine Meddour dont le film la Montagne de Baya a mis prés de dix ans à voir le jour, le tournage ayant été, par ailleurs, marqué par la perte d’une partie de l’équipe, victime d’un attentat terroriste. Au-delà de l’hommage filial, Mounia Meddour tente d’établir un lien entre deux générations, celui de produire un art qui se veut avant tout une forme de  résistance. Le propos, même s’il peut paraître commun, gagne en profondeur avec «l’entrée en scène» des protagonistes. Ils ont entre 25 et 35 ans, ils vivent en Algérie ou en France, et ce qui les réunit, c’est une volonté urgente de prendre en charge les traumatismes récents de leur société. Ils s’appellent Abdelghani Raoui, Bahia Ben Cheikh-El Fagoun, Malek Bensmaïl ou encore Yanis Koussim.Forment-ils une école de cinéma pour autant ? Les avis semblent partagés. Et pour cause, l’absence d’une véritable industrie cinématographique, c’est-à-dire d’une dynamique de production et de diffusion capable de donner un visage à ce cinéma. Nous avons plutôt l’impression d’un paysage cinématographique  atomisé. Les jeunes auteurs font d’ailleurs eux-mêmes ce constat. Et toute la bonne volonté de Mounia Meddour de donner la parole aux réalisateurs, de laisser une grande part de son documentaire aux extraits d’œuvres n’y suffit malheureusement pas. Ce n’est pas pour autant que le nouveau souffle dont elle parle n’existe pas, loin de là.  Il y a, incontestablement, une jeune génération de cinéastes qui porte un discours nouveau, souvent pertinent et original. Des réalisateurs et acteurs conscients, des défis auxquels fait face la société algérienne, des profondes déchirures qu’elle a subies. Ce qui peut aussi expliquer leur préférence affichée pour le court-métrage. En effet, cette forme, si elle offre l’avantage de nécessiter peu de moyens, elle permet surtout, de percuter d’une manière plus efficace le regard du spectateur et de condenser en peu de scènes une thématique trop chargée pour être étalée dans le temps. Le mot «urgence» sur lequel le documentaire parait insister prend alors tout son sens.Autres aspects à mettre en relief, les questions de l’identité et de la mémoire. La première question concerne  des réalisateurs nés ou vivants en Europe, en France principalement et qui concentrent leur travail sur leur pays d’origine. Fort heureusement, cet aspect est évoqué sans trop tomber dans les clichés du mythe du retour à la terre natale ou de l’Histoire de l’immigration. Les réalisateurs préfèrent parler d’une matière cinématographique, riche en possibilités, d’un potentiel humain capable d’offrir un cinéma plus exubérant, chose manquante en Europe.La mémoire a, elle aussi, été évoquée d’un point de vue nouveau. Les 15 récentes et tragiques années de l’Histoire algérienne que d’autres arts comme la littérature ou le théâtre ont encore du mal à prendre en charge sont «une matière à délire» pour Bensmaïl ou un regard sur l’enfance chez Abdenour Zahzah.
Mounia Meddour a sans doute voulu faire un «inventaire» du nouveau cinéma algérien et si son documentaire peut parfois injustement prétendre à l’exhaustivité, il permet aussi d’offrir  l’image (ou les images) d’une résistance artistique naissante, espérons qu’elle aboutisse, ou à défaut, qu’elle persiste.

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