dimanche 26 juin 2011

Fête de la musique à Oran

Les frères Piñana et Waed Bouhasoun à l’affiche



Les frontières géographiques et culturelles rendent sans doute difficile un mariage entre le flamenco espagnol et la musique du Moyen-Orient.
L’initiative, aussi généreuse soit-elle, des frères Piñana (Curro et Carlos) et de l’interprète syrienne, Waed Bouhassoun, de se produire ensemble sur scène le montre bien, mais la fusion espérée n’a finalement pas eu lieu. Ce spectacle gratuit a été programmé à la salle Maghreb d’ Oran, à l’occasion de la fête de la musique par le CCF et l’institut Cervantès. Pour situer le contexte, cela fait trois ans que ce groupe mixte existe. Le 31 janvier 2008, Waed Bouhassoun a été invitée à inaugurer, avec Curro et Carlos Piñana, la manifestation «Damas capitale culturelle du monde arabe», par un concert dans le salon des ambassadeurs de l’Alhambra de Grenade, en présence de la reine d’Espagne et de la première dame de Syrie.
A Oran, point de reine ni de première dame, mais juste un public qui a beaucoup ovationné, mais séparément, les deux performances : flamenco (vocal, guitare et danse) et chant oriental. Le lien qu’on a voulu y mettre est évident. Les poèmes chantés par Waed proviennent d’Andalousie, alternant incantations soufies inspirées des textes d’Ibn Arabi et échanges galants entre Wallada Bent El Moustakfi et Ibn Zeydoun. Des siècles entiers nous séparent de cette Andalousie médiévale, et le fait que le grand maître de la mystique musulmane soit né dans la même ville (Murcia) que le chanteur de flamenco n’y change rien. Waed se revendique avant tout d’Oum Keltoum. Sa voix belle mais monocorde, entachée d’une profonde tristesse, sonne comme un écho à son jeu de oûd, l’instrument avec lequel elle composera toutes les mélodies de son répertoire.
En revanche, les vocalises de Piñana  semblent flotter sur les tons aigus avant de retomber en cascades, leur donnant nettement plus de vigueur. Chez le guitariste, la rythmique nerveuse et complexe qui caractérise le flamenco est entrecoupée par des enchaînements de notes qui fusent sur toute la longueur du manche. Le public présent appréciera particulièrement les accords arpégés et les trémolos que le guitariste réussira à coller sur une chanson de Waed qui a accepté de poser son instrument pour laisser exprimer sa voix. C’est l’un des très rares moments de fusion. Pour le reste, c’est plutôt chacun pour soi. Les itinéraires sont différents. Waed, qui est passée par le conservatoire de Damas, est licenciée en musicologie.
Elle est en ce moment à Paris où elle prépare une thèse en ethnomusicologie et s’intéresse aux rituels funéraires de son pays. Elle a déjà participé à plusieurs festivals, dont celui des musiques sacrées de Fès en 2007. A cette époque, elle avait mis en musique des poèmes de Djalaledine Eroumi. Celle qu’on peut surnommer «la voix de l’amour», le titre de son album édité en 2010 par l’Institut du monde arabe est restée fidèle à ses premiers choix. Aujourd’hui encore, elle ne cesse de clamer : «El hob houa dini oua imani» (L’amour est ma religion et ma croyance).

 
Djamel Benachour

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