mercredi 6 juillet 2011

Sises à Aïn Fezza, à 10 km de la ville de Tlemcen

Les grottes de Béni Aâd, une merveille tenue loin des regards


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 Amirouche Yazid
Pour les touristes, les grottes de Béni Aâd méritent bien le détour. C’est éblouissant. Mais pour s’y  rendre, c’est une véritable course contre une montagne de 1 000 m d’altitude. Le non-aménagement des alentours éloigne ainsi les curieux du site. Il s’agit pourtant d’une distance de 10  km. Une distance que les cyclistes parcourent en quelques minutes. Faute d’un aménagement approprié des lieux, les merveilles de Béni Aâd sont ainsi tenues loin des regards des curieux et des touristes. Les géologues soutiennent que «les grottes représentent un système hydrologique souterrain constituant le plus grand réseau caverneux souterrain connu en Algérie». Les spécialistes des sites historiques disent que des grottes d’une telle valeur anthropologique, il n’y en que deux à travers le monde, en plus de celles situées au Mexique. Mais les deux sites, qui peuvent renvoyer à une époque identique,  vivent manifestement un présent différent. Les grottes du Mexique sont classées, par l’Unesco, patrimoine mondial, alors que celles de Tlemcen attendent leur tour. Sur les montagnes des Zianides, un passionné d’histoire et professionnel du tourisme nous fait savoir que les autorités locales et les instances internationales sont en train d’œuvrer pour le passage des grottes locales au rang de patrimoine universel. Bonne nouvelle. Mais une question surgit en pleine altitude et pas loin du plateau de Lalla Setti. Pourquoi donc les grottes de Béni Aâd se rapprochent de l’Unesco au moment où elles sont tenues loin de Tlemcen et de ses potentiels visiteurs, algériens et étrangers ? Pour la simple raison que rien n’a été fait pour que les gens puissent s’y rendre. Pourtant, entre le site et le chef-lieu de Aïn Fezza, la distance n’est pas énorme. 7 km séparent les deux points. Mais les deux points sont plutôt séparés par une mauvaise gestion du territoire. Mustapha Hassane, de l’agence Zenata Voyage  et connaisseur de l’Ouest algérien, cite le primo-crime fait au site. Il s’agit de l’horaire de fermeture des grottes. «La durée d’accessibilité au site tend à se rétrécir au fur et à mesure que les années passent. Au départ, on fermait à 19 h; on est passé par la suite à 18 h. Aujourd’hui, c’est 17 h, l’heure de la fermeture. Vous avez remarqué qu’on réduit davantage la durée de visite. Je crains qu’on ne la réduise encore», regrette-t-il. Une équipe de touristes algériens a été appelée, au dernier jour du mois de juin, à changer son plan de voyage à cause de cet imprévu. Plutôt cet impair. Gênée, l’élue chef d’équipe annonçait à la troupe que «les grottes ne sont pas accessibles au-delà de 17 h». La délégation avait pourtant prévu son passage dans les grottes en diurne. Calcul faussé. Les visiteurs sont ainsi obligés de changer leur feuille de route pour pouvoir parcourir les 1 400 m des grottes sous une température invariable de 13 °C. Nombreux sont les gens qui se dirigent vers les lieux avant d’être surpris par cette décision de fermeture pour le moins irrationnelle et contre-productive. Arrivées après l’heure butoir, des familles ont été amenées à «négocier» une dérogation d’accès. En face, il y avait un agent intransigeant. «Pas d’accès au-delà de 17 h. Moi, j’applique la loi», dit-il aux estivants. Ces derniers ne perdent pas espoir. Ils expliquent à l’agent qu’ils viennent de loin. «Nous venons d’Annaba et nous ignorons que le site ferme sa porte aussi tôt», soutient le quinquagénaire bônois. Mis dans l’embarras par un tel argument, l’agent finit par concéder un quart d’heure de visite pour les gens qui viennent de loin. La dérogation, si elle a permis aux visiteurs d’accéder aux grottes, leur a néanmoins imposé un goût d’inachevé. «Un tel site, on ne le visite pas en un quart d’heure. Ceux qui le gèrent doivent réfléchir à une autre façon d’exploiter les grottes», lance un autre visiteur venu du centre du pays. Noureddine Bouanani, un guide ambulant, s’interroge sur le fond de telles pratiques. «Ce n’est pas de cette manière qu’on fera avancer le tourisme dans notre pays. Un site touristique ne doit pas fermer ses portes. Le touriste est en droit de le visiter à tout moment. Quand on ferme ce genre de site, il n’y a plus de raison de parler de tourisme. Cela n’existe que chez nous, y compris les musées qui ferment. Le comble, c’est qu’ils sont inaccessibles les jours fériés. C’est-à-dire quand une forte demande est attendue», fait-il remarquer.

Déficit d’aménagementLes différentes remarques des visiteurs ne sont pas cependant les bienvenues chez le personnel chargé de la gestion du site. Un des guides de ces grottes merveilleuses défend le mode de gestion du site, même si les visiteurs s’en plaignent à longueur d’année. Brahim Abdelhak évoque quelques facteurs qui justifient, à ses yeux, le recours à une fermeture inopportune et qui n’est pas sans agacer les visiteurs. Il parle du coût en énergie électrique. «Nous utilisons 103 projecteurs pour illuminer les grottes. Nous ne pouvons pas garder le site ouvert tout le temps», répond Abdelhak. La préservation des grottes préhistoriques de Béni Aâd est par ailleurs assurée par sept agents qui veillent à ce que «les mauvaises mains» ne touchent pas là où il ne faut pas. Kamel, un jeune de 39 ans, est heureux d’exercer un tel métier même en étant «un contractuel payé à 15 000 DA par l’Agence nationale de l’emploi». Il est à son deuxième contrat, qu’il souhaite voir renouvelé puisque celui en cours expire vers le mois de septembre. Kamel indique que le flux des touristes est plus important durant le week-end et les vacances scolaires. Les habitués du site sont convaincus cependant que les grottes peuvent attirer davantage de vacanciers. Pour les populations limitrophes, la destination n’est pas forcément les grottes de Béni Aâd. Des familles y viennent pour se reposer dans le jardin d’à côté. Les familles qui se rendent aux alentours du site ne trouvent pas toutes les commodités nécessaires. Elles se contentent cependant du calme et du paysage féerique du site. Les aménagements environnants font partie, selon des témoignages, des priorités des autorités locales. Parmi les réalisations, on peut trouver  des aires de jeux pour enfants. 

Téléphérique «noir sur blanc»Mais pour les professionnels du tourisme dans la ville des Zianides, la valorisation des grottes de Béni Aâd passe inévitablement par une solution au problème du transport. Le manque de moyens de transport, sur un parcours montagneux, éloigne ainsi les touristes du site.  Situées à 10 km seulement de l’est du chef-lieu de la ville, les grottes de Béni Aâd ne sont pas si proches pour les Tlemcéniens. Exaspéré par un tel constat, un jeune de la localité a invité les gens à «s’unir et s’organiser à faire des dons pour Aïn Fezza. Nous avons un trésor. Mais il n’y a pas même le transport pour aller visiter les grottes», s’est-il indigné. Hassane Mustapha, de l’agence Zenata Voyage propose aux autorités locales quelques pistes pour «rapprocher les estivants des grottes de Béni Aâd». Parmi ses propositions : une ligne touristique entre la ville et le site. «C’est le meilleur moyen, soutient-il, de faciliter la venue des gens sur le site.» Hassane propose, à défaut, un transport d’été. Notre interlocuteur regrette que les autorités localités n’aient pas tenu leurs promesses sur la question du transport. Il rappellera à cet effet le projet du téléphérique qui devait permettre aux gens de se rendre aux grottes très facilement. «Mais le projet du téléphérique est resté, hélas !, noir sur blanc», relèvera-t-il non sans une note d’amertume. Manifestement le rêve que caressent les responsables locaux de voir le site classé patrimoine mondial dépend d’une véritable mutation dans l’aménagement des lieux. Pour intégrer le cercle prisé des sites classés dans le monde – 911 sites sont classés patrimoine mondial – et figurer aux côtés de l’Acropole d’Athènes, des Pyramides d’Egypte, de la Grande Muraille de Chine, du Grand Canyon aux Etats-Unis ou encore du Mont-Saint-Michel, le site de Béni Aâd a besoin d’une autre prise en charge.  

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