vendredi 28 septembre 2012

La « Qubba » de Yemma Gouraya : la légende fait place à l’histoire



Selon une récente étude, Yemma Gouraya aurait bel et bien existé. La mise en évidence de l’existence d’une « qubba » où repose probablement Yemma Gouraya, met fin à une polémique vieille comme le temps. La légende de Gouraya fait place à l’histoire puisque son nom est mentionné dans plusieurs ouvrages inconnus en Algérie.
Avec les découvertes récentes de M. Malek Aït Hamouda, architecte de l’Ecole Supérieure d’Architecture de Paris-la Villette, résultats de nombreuses, longues et fructueuses recherches en France, complétées par un travail au niveau du Parc National du Gouraya de Bejaia, c’est un mythe, voireune certitude historique qui vient de s’écrouler : contrairement à ce que l’on tenait pour définitivement établi, définitif et prouvé, le fort Gouraya n’a pas été édifié par les Espagnols au 16ème siècle ! Des preuves irréfutables recueillies dans les archives de l’armée française, notamment une carte reproduisant, d’un côté le site tel que trouvé par les Français, composé d’une « qubba », d’une citerne et d’une maisonnette et de l’autre, le plan de l’actuel fort réalisé par Lemercier, bien connu à Bejaia par d’autres ouvrages militaires, ont pu être amassées par notre jeune chercheur, dont le coup de foudre pour Bejaia, ses vestiges et saints est aussi sincère que profond.
Pour appuyer cette découverte, il y a lieu de signaler que la même politique coloniale avait été appliquée ailleurs en Kabylie durant la guerre de libération. Ainsi, chez les « Iflissene Umellil », la plupart des camps militaires français avaient été érigés sur des sanctuaires et « qubba »s anciens. La « qubba » de Sidi Yussef (arch des Imzallen) avait été rasé au bulldozer pour installer le camp 636 ; celle de Timezrit pour installer un radar et un cantonnement.
Comme ces sanctuaires étaient souvent situés au sommet des collines, l’armée coloniale faisait d’une pierre deux coups : elle installait des miradors pour surveiller tous les villages, et en même temps elle détruisait la mémoire collective et les saints protecteurs qu’étaient ces « tiqubtines » (pluriel de « qubba »). L’ironie du sort est que même dans l’Algérie indépendante, islamistes et « salafistes » aidants, ces sanctuaires séculaires non seulement n’ont pas été reconstruits, pis encore, ceux qui avaient épargnés par l’armée coloniale ont été profanés, incendiés (comme celui de Sidi Abderahmane à Alger), ou détruits à l’explosif (comme « taqubbat » de Sidi Amara, près de Sidi Ali Bounab).
Ainsi, la mise en évidence de l’existence d’une « qubba » où repose probablement Yemma Gouraya met fin à une polémique vieille comme le temps. La légende de Gouraya fait place à l’histoire puisque son nom est mentionné dans plusieurs ouvrages inconnus en Algérie. Elle se situe dans la lignée des grandes héroïnes nationales qui, à chaque grande invasion, se dressent devant l’ennemi. Il y a eu la Kahina contre les Arabes, Gouraya contre les Espagnols aux côtés de Arroudj dit Barberousse, Fadhma n’Soumer contre Randon le Français… Le mythe de l’absence de tombe est ainsi levé.
Avec la destruction, par les Français en 1833 de la « qubba », pour édifier le fort, c’est la tombe qui est rayée de la carte et que la mémoire collective a fini par oublier. Aujourd’hui, la superposition entre la place forte militaire et le spirituel – les pèlerinages remontent probablement à bien longtemps – est essentielle pour la bonne compréhension d’une légende qui a cessé d’en être une, dès lors qu’elle a fait une entrée fracassante dans l’histoire.

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